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Nathan Soleau : à la pointe de la recherche sur les E. coli producteurs de Shiga toxine (STEC) en élevage

Vétérinaire et ISPV de formation (Inspecteur de Santé Publique Vétérinaire), Nathan Soleau est actuellement doctorant au sein de l’équipe « Bactéries Pathogènes Opportunistes et Environnement » du laboratoire d’écologie microbienne de Lyon (UMR5557) et au sein du laboratoire national de référence français (LMAP/LNR) des Escherichia coli de VetAgro Sup.

Intéressé par la microbiologie et les maladies émergentes, Nathan a rejoint l’équipe de recherche du LNR en mars 2022, pour un stage de 6 mois. En septembre de la même année, il débute sa thèse, intitulée « Etude par approche génomique du potentiel de pathogénicité et de la circulation des STEC O26 :H11 et O80 :H2 portant le gène stx2 dans les filières de production de lait cru en France. ».

Son travail se concentre sur les souches d’Escherichia coli (E. coli) productrices de Shiga toxines (STEC) présentes notamment dans les élevages bovins.

Le contexte des souches STEC en France

Les souches d’E. coli productrices de Shiga toxines sont responsables de maladies chez l’homme allant d’une simple diarrhée à des complications beaucoup plus sévère tel que le syndrome hémolytique et urétique (SHU). Ces souches présentent divers facteurs de virulence, notamment les toxines Stx1 et Stx2, cette dernière étant réputée plus dangereuse et responsable des symptômes les plus graves.

Les STEC représentent un défi constant pour les chercheurs et les pouvoirs publics. Connues depuis les années 1980, elles évoluent très rapidement et sont classées en différents sous-groupes appelés sérotypes. Historiquement, en France le sérotype O157 :H7 était majoritaire dans les infections humaines, suivi par le sérotype O26 :H11 (avec des premières contaminations humaines liées à des fromages au lait cru en 2005). Depuis une dizaine d’année, le nombre de cas de SHU pédiatriques liés au sérotype O26 :H11 augmentent de manière inquiétante et font de ce sérotype la nouvelle cause principale de SHU en France. Aussi, récemment, le sérotype émergent O80 :H2 a été inclus dans les instructions officielles de vigilance en 2023 et se classe désormais en deuxième position des sérotypes majeurs de STEC.

Focus sur les STEC O26 :H11 et O80 :H2 portant le gène stx2

L’objectif principal de la thèse de Nathan est de mieux comprendre l’origine et la circulation des souches de STEC. Il se penche particulièrement sur les souches des sérotypes O26 :H11 et O80 :H2, et cherche à répondre à plusieurs questions cruciales :

  • Comment se structurent les populations de ces souches à l’échelle des filières de production de lait cru en France ? Quel danger représentent-elles pour l’Homme ?
  • Quelles sont les dynamiques temporelles d’occurrence de ces souches dans le compartiment élevage ?
  • D’où viennent ces souches ? Qu’est-ce qui leur aurait permis d’émerger et de se maintenir dans les élevages bovins ?

Pour répondre à ces questions, Nathan s’appuie sur deux axes de travail principaux :

  1. Étude de la population des souches de STEC O26 :H11 portant le gène stx2 en France : utilisant la souchothèque du LNR, qui contient 10 000 souches, il analyse l’évolution de ces souches et la structure de leur population au cours des 10 dernières années à travers une étude génomique (séquençage de leur ADN) et à travers l’identification de gènes associés à la virulence.
  2. Comportement des souches O26 :H11 et O80 :H2 dans les élevages : en collaboration avec un élevage partenaire en Auvergne-Rhône-Alpes, Nathan effectue des prélèvements réguliers de fèces (bouse fraîche) et d’échantillons environnementaux toutes les huit semaines. Ces prélèvements sont ensuite mis en culture pour isoler les STEC portant le gène stx2. Les souches isolées sont comparées au fil des campagnes pour caractériser leur évolution, leur virulence et leurs facteurs de résistance aux conditions environnementales d’élevage.

Une recherche collaborative

Dès ses débuts, Nathan a trouvé sa place au sein de l’équipe dynamique du LNR.
« J’ai de la chance d’être intégré dans un collectif, de ne pas être solitaire sur ma thèse. Cela permet d’échanger scientifiquement et d’avoir un support en cas de problème » explique-t-il.

Ce travail en équipe a permis à Nathan de mener à bien ses recherches, en bénéficiant d’une logistique solide, de matériel performant et d’expertises pointues sur le sujet.

Du côté du LNR, la collaboration avec Nathan est aussi un atout : « les travaux de Nathan nous permettent de monter en compétences sur de nouvelles méthodes de caractérisation génomique des souches d’E. coli » témoignent Sarah Ganet, ingénieure d’étude responsable de pôle au LNR et Stéphanie Werlen, technicienne au LNR. « Ses campagnes de prélèvement ont été conçues de manière collective et en concertation avec les professionnels dès le départ : cela a aussi permis de discuter de la pertinence de certaines options et de ramener une réalité de terrain dans le projet ».

Découvertes scientifiques et impact en santé publique vétérinaire​

En mai 2023, Nathan a fait une découverte importante : alors que jusque-là aucun réservoir ou voie de transmission à l’Homme du sérotype O80 :H2 n’était connu, ses travaux ont mis en évidence la présence répétée de souches de STEC O80 :H2 dans un élevage bovin, une première en Europe et dans le monde. Ces résultats ont d’ailleurs fait l’objet en mai dernier d’une publication scientifique dans la revue International Journal of Molecular Sciences.

Cette observation, sans précédent chez des bovins sains, a réorienté une partie de sa thèse et a mis en lumière l’importance de surveiller la circulation de ce sérotype émergent dans les élevages et dans les aliments afin de mettre en place des mesures de gestion adaptées tout le long de la chaine alimentaire.

Inscrite dans le dispositif FCPR (formation complémentaire par la recherche) du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire et soutenue par la direction générale de l’alimentation, la thèse de Nathan a une portée nationale. Ses travaux enrichissent non seulement la recherche, mais apportent également des bénéfices concrets pour la santé publique et la sécurité sanitaire des aliments. Ils auront un impact significatif sur la santé publique en éclairant la prise de décision publique en matière de gestion du risque lié aux STEC.